Quand on parle de métiers d'art et de traditions qui résistent au temps, le vannage apparaît souvent comme l'une des images les plus parlantes : mains qui tressent, osier qui craque, objets utilitaires et esthétiques façonnés en quelques gestes répétés. Ces dernières années, j'ai parcouru la Bourgogne pour rencontrer ceux et celles qui, contre vents et modes, continuent de tresser l'osier et d'assurer la survie de ce savoir-faire. Voici ce que j'ai appris, entendu, et ce que je pense être utile pour préserver cette filière.
Qui sont les derniers vanniers de la région ?
En Bourgogne, le vannage n'a jamais complètement disparu, mais il s'est considérablement réduit. On trouve aujourd'hui plusieurs profils de vanniers :
- Les artisans traditionnels : souvent installés en milieu rural, parfois héritiers d'une pratique familiale, ils fabriquent paniers, hottes, ou corbeilles pour une clientèle locale et des marchés.
- Les créateurs contemporains : ils détournent l'osier pour des pièces de design, luminaires, mobiliers ou petits accessoires pour des boutiques de décoration et des galeries.
- Les formateurs et animateurs : présents dans des centres culturels, associations ou maisons de retraite, ils transmettent des techniques de base à travers des ateliers.
- Les paysans vanniers : combinant culture de l'osier et transformation, ils valorisent une filière courte en vendant à la fois la matière première et l'objet fini.
Lors de mes visites, certains noms reviennent : Claire et Luc de la Nièvre, qui tiennent un atelier-vente et organisent des stages intensifs ; l'Atelier des Marais en Saône-et-Loire, atelier collectif où se côtoient artisans et designers ; et des vanniers indépendants encore présents sur les marchés de Dijon, Auxerre ou Chalon-sur-Saône. Ces acteurs sont souvent peu nombreux dans chaque département, mais très investis dans leur territoire.
Quelles techniques utilisent-ils aujourd'hui ?
Le vannage repose sur plusieurs techniques classiques : le fond en croisé, les montants tressés, les bordures en fagots, ou les finitions en cordon. Beaucoup d'artisans se réfèrent aux méthodes traditionnelles : l'utilisation d'osier vivant (ou verts), le façonnage à la main, le séchage naturel. Certains introduisent toutefois des variantes contemporaines :
- mélanges de matières (osier avec rotin, noisetier, ou fibres synthétiques) ;
- couleurs teintes (badigeon, peinture végétale) ;
- pièces hybrides mêlant vannerie et métal ou tissu pour des créations design.
Sur le terrain, j'ai aimé observer que la plupart des vanniers jonglent entre tradition et adaptation. Ils respectent les gestes ancestraux mais n'hésitent pas à innover pour répondre aux demandes du marché et prolonger la vie de leur activité.
Quels sont les principaux défis auxquels ils font face ?
Plusieurs obstacles reviennent régulièrement dans mes échanges :
- Soutien économique limité : vendre des paniers demande du temps et les marges restent faibles. Beaucoup complètent leur activité par des marchés, des animations ou des ventes directes en ligne.
- Accès à la matière première : la culture de l'osier a diminué ; il faut parfois l'importer ou se fournir auprès de producteurs lointains, ce qui augmente les coûts et rompt la logique de circuit court.
- Transmission fragilisée : peu de jeunes se lancent sans perspective claire. Les formations existent mais sont souvent courtes et peu soutenues financièrement.
- Visibilité et marketing : les artisans doivent maîtriser la photographie, le web et la relation directe avec la clientèle — un travail qui n'est pas inné pour tous.
Ces difficultés expliquent pourquoi les vanniers sont aujourd'hui peu nombreux et pourquoi leurs ateliers exigent souvent une polyvalence importante (production, formation, communication).
Comment préserver et revitaliser le savoir-faire ?
Au fil des rencontres, plusieurs pistes concrètes m'ont semblé essentielles.
- Renforcer la filière osier : encourager la culture locale d'osier par des subventions, l'installation de haies d'osier vivant sur des friches, et soutenir les pépinières. Une matière première locale et de qualité est la colonne vertébrale du métier.
- Développer des formations diplômantes et des parcours en alternance : partenariats entre lycées agricoles, CFA, et ateliers d'artisans pour offrir de vraies perspectives professionnelles aux jeunes.
- Créer des lieux ressources : ateliers partagés, résidences d'artistes-vanniers, et espaces de vente collectifs pour mutualiser coûts et visibilité.
- Valoriser le savoir-faire par l'image : reportages photo, vidéos pédagogiques, et une présence renforcée sur des plateformes (Instagram, Etsy, site web propre) pour toucher une clientèle plus large et souvent urbaine.
- Innover sans trahir : encourager collaborations avec designers et écoles d'art pour créer des pièces contemporaines, tout en respectant les gestes et la durabilité du matériau.
- Soutenir la vente locale : marchés, boutiques de créateurs, et circuits courts (AMAP, boutiques de terroir) favorisent la juste rémunération et le lien avec les consommateurs.
Exemples concrets en Bourgogne
| Artisan | Localité | Spécialité |
|---|---|---|
| Claire & Luc | Nièvre | Paniers traditionnels, stages d'initiation |
| Atelier des Marais | Saône-et-Loire | Vannerie collective et création contemporaine |
| Vannier indépendant | Côte-d'Or | Commandes sur mesure, marchés locaux |
Ces exemples illustrent la diversité d'approches : du maintien d'un répertoire traditionnel à l'expérimentation contemporaine. J'ai pu assister à des stages où, en quelques jours, des débutants repartaient avec un panier dont ils étaient fiers — preuve que la transmission est possible, si on lui offre les moyens.
Comment vous, lecteur, pouvez aider ?
Vous pouvez jouer un rôle concret :
- Achetez local : privilégiez les pièces artisanales plutôt que les objets industriels. Un panier fait main dure des années.
- Offrez des stages : inscrire un proche à un atelier est un cadeau qui transmet un geste.
- Partagez et valorisez : relayez le travail des vanniers sur vos réseaux sociaux, invitez-les pour des marchés ou animations.
- Soutenez les projets de filière : près de chez vous, une association ou une collectivité peut lancer un projet d'oseraie ; impliquez-vous.
Sur L'Archeodrome Bourgogne (https://www.archeodrome-bourgogne.com), je publie régulièrement des portraits d'artisans, des dates de stages et des adresses pour vous permettre de rencontrer ces acteurs. Si vous connaissez un vannier que je n'ai pas encore croisé, écrivez-moi via le formulaire du site — j'adore découvrir de nouveaux ateliers et partager ces récits vivants.