Chaque été, quand je pars en reportage sur les routes de Bourgogne, je suis à la recherche de ces soirées où les voix se réunissent autour d'une place poussiéreuse, d'une auberge ou d'une chapelle transformée en salle de bal. Ces fêtes villageoises sont pour moi des trésors vivants : elles gardent et transmettent des chansons traditionnelles bourguignonnes qui racontent le travail des champs, les veillées, l'amour et les rites saisonniers. Voici mon carnet de terrain — où aller, quoi écouter, comment participer, et pourquoi ces rendez-vous méritent d'être vécus.
Où trouver les fêtes qui chantent la Bourgogne
Il n'y a pas un lieu unique : les chants traditionnels apparaissent partout, souvent là où on les attend le moins. Parmi les rendez-vous que je fréquente régulièrement :
- Les fêtes communales de petits villages (autour d'Autun, Saulieu, Noyers-sur-Serein) : ce sont des soirées de bal et de chant où les anciens reprennent des couplets appris à l'enfance.
- La Saint-Vincent Tournante (dans les villages viticoles) : au-delà du vin, les cortèges incluent des fanfares locales et parfois des groupes de chant trad.
- Fêtes patronales et pardons (notamment en Haute-Marne et Yonne) : on y chante dans les cafés, devant la salle des fêtes ou après la messe, des refrains qui ont traversé les générations.
- Soirées associatives et veillées chantées organisées par des associations de sauvegarde du patrimoine : ce sont les plus orientées “transmission”, avec ateliers et partitions partagées.
Quelques repères pratiques (calendrier et lieux)
Pour vous aider à planifier, j'ai dressé un petit tableau des moments où je sais couvrir des chants traditionnels. Les dates bougent d'une année à l'autre, mieux vaut vérifier auprès des mairies ou associations locales.
| Type d'événement | Période | Ambiance |
|---|---|---|
| Fête communale villageoise | Mai à septembre | Bal, chant autour du feu, partage de chansons populaires |
| Saint-Vincent Tournante | Janvier / Février (selon le village) | Cortège, chants, fanfares, dégustation — atmosphère festive et intergénérationnelle |
| Pardons et fêtes religieuses locales | Printemps / été | Mélange de sacré et de profane, chants anciens après la cérémonie |
| Veillées et ateliers associatifs | Tout au long de l'année (surtout automne/hiver) | Transmission, apprentissage, chansons en cercle |
Comment repérer une bonne soirée de chants traditionnels
Pour ne pas tomber sur une programmation purement commerciale, je vous conseille d'observer quelques signes :
- La présence d'anciens du village ou d'un groupe local identifié comme “chant traditionnel” — ce sont souvent eux qui portent la mémoire
- L'absence d'une sono massive : les chants se suffisent souvent à eux-mêmes, autour d'une guitare, d'un violon, d'un accordéon ou juste a cappella
- Une affiche mentionnant veillée, retour de chants ou chanson traditionnelle plutôt que concert grand public
- La présence d'une association patrimoniale ou d'une maison du terroir dans l'organisation
Ce qu'on entend vraiment : styles et répertoires
En Bourgogne, le répertoire est riche et varié. Lors de mes reportages j'ai souvent entendu :
- Des complaintes et chansons de travail venant des campagnes (labours, vendanges, bétail)
- Des refrains à danser — polkas, marches et valses adaptées aux fêtes de village
- Des chansons de veillée, lentes et narratives, parfois teintées d'humour ou de dérision
- Des airs religieux simplifiés repris lors des pardons
Le timbre est souvent rugueux et authentique ; ce n'est pas la performance scénique qui compte mais la fonction sociale : rassembler, transmettre, se souvenir.
Comment participer sans être intrusif
Quand j'arrive dans un village, je me place d'abord en observatrice. Si je veux chanter ou enregistrer, je demande toujours la permission. Quelques conseils pratiques :
- Demandez l'accord pour allumer un enregistreur ou prendre des photos ; beaucoup refusent par pudeur.
- Si vous voulez chanter avec eux, laissez-vous inviter : ne vous imposez pas au centre du cercle.
- Offrez un geste de reconnaissance (un verre, un sourire, un petit don à l'association organisatrice) ; la générosité ouvre souvent les portes.
- Apportez des paroles écrites si vous entendez un refrain et que vous souhaitez l'apprendre — certains groupes sont ravis de partager.
Ressources locales et contacts utiles
Pour trouver les dates et points de contact, je consulte :
- Les sites des mairies rurales — beaucoup affichent leur programmation estivale
- Les associations locales de sauvegarde du patrimoine (recherchez “centre d'animation”, “association patrimoine + nom du village”)
- Les pages Facebook de villages et de producteurs locaux : les fêtes y sont souvent annoncées en dernier recours
- Le carnet en ligne de L'Archeodrome Bourgogne (https://www.archeodrome-bourgogne.com) où je publie des repères et mes reportages
Matériel utile pour écouter et documenter
Si vous voulez garder une trace de ces rencontres, voici ce que j'emporte :
- Un enregistreur portable de bonne qualité (Zoom H4n, Tascam DR-40 ou équivalent) — le son naturel est important
- Un appareil photo compact pour les portraits (j'utilise un reflex léger ou un mirrorless) ; le format RAW aide en post-traitement
- Un carnet et un stylo pour noter les paroles, les prénoms et les anecdotes sur place
- Des écouteurs pour vérifier l'enregistrement sur le moment
Pourquoi ces fêtes méritent qu'on les soutienne
Ces soirées ne sont pas des spectacles figés : elles sont le tissu vivant d'une mémoire partagée. Quand je m'assieds parmi les villageois, j'entends des histoires qui n'existent nulle part ailleurs que dans la bouche d'un chant. Soutenir ces fêtes, c'est permettre la transmission entre générations, aider des associations souvent bénévoles, et préserver un patrimoine immatériel que ni musée ni label ne peuvent totalement capturer.
Si vous souhaitez proposer une rencontre, me signaler une fête ou partager vos enregistrements, le formulaire du site (https://www.archeodrome-bourgogne.com) est le meilleur moyen de me joindre. J'aime aller sur le terrain, écouter, photographier, et surtout rendre compte de ces instants avec sensibilité et rigueur — pour que la Bourgogne continue de chanter, non pas comme une reconstitution, mais comme une pratique vivante et partagée.