Quand je pars à la recherche d'archives sonores et orales pour enrichir un article ou préparer une interview terrain, je m'appuie sur plusieurs pistes complémentaires : institutions officielles, médias locaux, associations, fonds privés et plateformes numériques. Ces sources ne se substituent pas aux rencontres, mais elles offrent une matière brute — témoignages, chansons, émissions, bruitages d'usine — qui permet d'étoffer un récit, de vérifier des dates, de retrouver une voix ou d'identifier des thèmes récurrents dans la mémoire locale.
Où commencer : les institutions et plateformes nationales
Pour des enregistrements professionnels ou d'archives radiophoniques, je consulte d'abord les grandes institutions :
- INA (Institut National de l'Audiovisuel) : riche en archives radio et télévision, reportages locaux, émissions thématiques. Leur site (ina.fr) permet souvent d'écouter des extraits et de commander des reproductions pour un usage public.
- BnF / Gallica : la Bibliothèque nationale de France conserve des documents sonores (phonothèque, collections patrimoniales) et propose des ressources numérisées via Gallica.
- Phonothèque de la MMSH (Aix-en-Provence) et autres phonothèques universitaires : fonds d'ethnologie, d'oralité, d'enregistrements de terrain. On y trouve des corpus classés par projet ou territoire.
- Europeana et Internet Archive : indexent des collections européennes et internationales, parfois utiles pour des enregistrements croisant identités migratoires ou pratiques culturelles partagées.
Les archives départementales et médiathèques locales
Pour travailler sur la Bourgogne, les archives départementales (Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Yonne, Nièvre) sont une source incontournable. Elles conservent des fonds collectés par des missions locales, des enregistrements d'oralités, des reportages municipaux, et parfois des collections de chansons et récits populaires.
- Consultez les catalogues en ligne des archives départementales ; si rien n'est visible, contactez le service audiovisuel : beaucoup de fonds ne sont pas encore entièrement numérisés.
- Les médiathèques municipales (par exemple à Dijon, Beaune ou Auxerre) possèdent souvent des partitions, des disques 78/33 tours et parfois des cédéroms d'archives locales. Leur section patrimoine peut orienter vers des enregistrements communautaires.
Radios locales, collectifs et associations
Les stations locales ou régionales sont des mines d'or : émissions consacrées aux traditions, archives d'interviews, reportages festifs. En Bourgogne, France Bleu Bourgogne et des radios associatives conservent souvent leurs archives.
- Contactez la rédaction pour demander l'accès à des émissions anciennes ; expliquez votre projet et proposez un partenariat (citation, relais d'article).
- Associations de mémoire (anciens combattants, comités des fêtes, cercles généalogiques) détiennent fréquemment des cassettes ou fichiers numériques. Leur confiance se gagne par la transparence : pourquoi vous voulez ces fichiers, comment vous les utiliserez, quelle visibilité vous offrez.
Fonds privés et archives familiales
Les enregistrements familiaux — cassettes, dictaphones, enregistrements de mariage, veillées — apportent une intimité et une authenticité difficilement reproductibles. Je sollicite souvent des familles locales via les réseaux sociaux, petites annonces ou en parlant aux gens dans les manifestations.
- Proposez toujours une écoute collective, une copie numérique et une restitution : une transcription, un portrait, ou la republication avec autorisation. Cela crée un échange équitable.
- Veillez aux questions de droits et consentement (voir section "droits").
Plateformes en ligne et réseaux sonores
Avant de lancer une recherche sur le terrain, je passe du temps sur les plateformes :
- Ina.fr — pour des extraits radiophoniques et télévisuels.
- Gallica — pour disques anciens numérisés.
- SoundCloud, Bandcamp — parfois des collectifs ou artistes locaux publient des archives sonores ou des réinterprétations.
- Internet Archive — utile pour des enregistrements plus larges ou des concours de mémoire.
Comment chercher efficacement : mots-clés et catalogues
Les archives sonores ne sont pas toujours bien indexées. Voici mes astuces :
- Utiliser des combinaisons de mots-clés : nom de lieu + "entretiens", "oralité", "témoignage", "chant populaire", "enquête ethnographique".
- Rechercher sous plusieurs orthographes locales (patronymes, toponymes dialectaux).
- Contactez un archiviste : sa connaissance des fonds et de la cotation peut vous faire gagner des heures.
Numérisation, formats et qualité : conseils pratiques
Lorsque je récupère des enregistrements anciens (cassettes, vinyles), j'applique quelques règles simples :
- Numériser en WAV non compressé, idéalement 24 bits / 96 kHz pour préserver la dynamique si vous comptez réutiliser le son dans des montages.
- Préférer une numérisation réalisée par un professionnel pour des supports fragiles ; certaines médiathèques offrent ce service.
- Pour l'enregistrement sur le terrain, j'utilise des appareils robustes comme un Zoom H4n ou un Tascam DR-40, et des micros directionnels (Rode NTG ou Sennheiser MKH selon le budget) pour limiter le bruit de fond.
- Conserver au moins deux copies distinctes (disque externe + cloud) et documenter chaque fichier avec métadonnées : date, lieu, intervenant·e, conditions, thème.
Règles juridiques et bonnes pratiques éthiques
Le respect des personnes et des droits est central. Voici ce que je pratique systématiquement :
- Consentement écrit : avant tout enregistrement, j'obtiens une autorisation signée détaillant l'usage prévu (publication en ligne, diffusion radio, archivage).
- Vérifier la durée des droits d'auteur : une chanson traditionnelle interprétée par une personne vivante implique des droits voisins. Pour des émissions, contacter l'ayant droit (radio, producteur).
- Respecter la confidentialité : anonymiser si nécessaire et proposer aux personnes concernées de relire les citations qui les concernent.
Intégrer ces archives dans vos récits
Une fois les fichiers obtenus, comment les utiliser sans trahir la mémoire ? Pour moi, il s'agit d'équilibre : contextualiser, citer et laisser la voix parler. Quelques idées :
- Illustrer un article avec de courts extraits audio intégrés (player) accompagnés d'une transcription pour l'accessibilité.
- Raconter l'histoire autour de l'enregistrement : qui parle, pourquoi ce témoignage est précieux, quel bruit d'arrière-plan renseigne sur le lieu.
- Monter une série d'extraits thématiques (métiers, fêtes, chansons) pour créer un parcours sonore local.
Ressources et contacts utiles en Bourgogne
Voici quelques adresses et pistes que j'utilise régulièrement :
- Archives départementales (Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Yonne, Nièvre) — demander le service audiovisuel.
- Médiathèques municipales (Dijon, Chalon-sur-Saône, Auxerre) — section patrimoine.
- France Bleu Bourgogne et radios associatives locales — pour archives d'émissions et contacts de journalistes.
- Collectifs d'ethnologie et associations de sauvegarde du patrimoine immatériel — pour projets de terrain et corpus partagés.
Chaque projet est unique : parfois j'exhume un disque oublié dans une médiathèque, parfois c'est un vieil enregistrement de veillée transmis par une famille qui change toute la perspective d'un reportage. L'important, c'est de croiser les sources, d'être transparent avec les personnes qui vous confient leurs voix et de soigner la conservation et la documentation des fichiers. Les archives sonores donnent une chair et une couleur aux récits de mémoire locale : elles nous permettent d'entendre non seulement ce qui a été dit, mais aussi comment cela a été dit — et c'est souvent là que se cache l'émotion la plus vraie.
