Comment fonctionne la filière du bois local : du massif forestier aux ateliers d'ébénisterie

Comment fonctionne la filière du bois local : du massif forestier aux ateliers d'ébénisterie

En me promenant dans les massifs forestiers de Bourgogne, j'ai souvent été frappée par la façon dont un arbre, après des décennies de croissance, devient un objet du quotidien entre les mains d'un ébéniste local. Comprendre la filière du bois, du massif forestier aux ateliers d'ébénisterie, m'est vite apparu comme essentiel pour appréhender les enjeux patrimoniaux, économiques et environnementaux de notre région. Voici ce que j'ai appris et ce que j'entends raconter quand je rencontre forestiers, scieurs et artisans.

D'où vient le bois que nous utilisons en Bourgogne ?

La Bourgogne est riche de massifs divers : forêts de plaines, plateaux calcaires et massifs plus humides. Les essences dominantes que j'y retrouve souvent sont le chêne, le hêtre, l'épicéa, le pin sylvestre et parfois l'orme ou le frêne. Chaque essence a son histoire locale, ses usages traditionnels et ses contraintes de gestion.

Les propriétaires forestiers peuvent être privés, communaux ou appartenir à l'État. La gestion se fait soit en futaie régulière (cycles longs, souvent pour le chêne), soit en taillis (ex. pour certaines productions de bois d'œuvre ou de chauffage). Ce qui m'a frappée lors de mes visites, c'est la rigueur des plans de gestion dans nombre de forêts : inventaires, coupes programmées, renouvellement naturel ou par replantation, prise en compte de la biodiversité.

Quelles sont les bonnes pratiques et certifications ?

Beaucoup se demandent si le bois local est « durable ». En Bourgogne, comme ailleurs, la durabilité passe par une gestion durable des forêts. Les certifications telles que PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification) sont courantes et garantissent une gestion responsable. J'ai rencontré un forestier qui m'a expliqué que la certification était aussi un outil de transparence avec les acheteurs : traçabilité, respect des cycles, protection des sols et des cours d'eau.

Comment se déroule l'abattage et le premier traitement ?

L'abattage est une opération délicate et technique. Les forestiers travaillent souvent avec des équipes spécialisées et du matériel lourd pour limiter l'impact sur la parcelle (mâts forestiers, systèmes de débardage sur chenilles, etc.). Ensuite, les troncs sont écorcés, ébranchés et tronçonnés en grumes. C'est à ce stade que se décident souvent les destinées : certaines grumes partent vers des scieries locales, d'autres vers des industriels ou pour du bois de chauffe.

Que fait la scierie ?

La scierie est un rouage central. J'ai visité plusieurs petites scieries bourguignonnes où l'on valorise au maximum la matière : sciage à la demande (planches, longs plots pour l'ébénisterie), rabotage, dégauchissage et parfois première sélection des pièces pour secouage. Les petites scieries locales fonctionnent souvent en circuit court, en lien direct avec les artisans. Elles coopèrent parfois avec des ateliers pour proposer des bois séchés adaptés aux meubles traditionnels.

L'humidité du bois est un enjeu majeur. Les scieries proposent généralement deux grandes options :

  • Le bois vert : coupé et vendu avec un taux d'humidité élevé, utilisé ensuite pour des usages techniques ou séché en atelier.
  • Le bois séché : séchage naturel (plus lent) ou en séchoir industriel (contrôle de la température et de l'humidité) pour atteindre un taux adapté à l'ébénisterie (généralement 8–12 % selon l'usage).
  • Comment le bois est-il stocké et acheminé ?

    La logistique joue un rôle non négligeable. Entre le massif et l'atelier, le bois peut faire quelques kilomètres à quelques centaines. Les artisans que je fréquente privilégient le circuit le plus court possible pour réduire l'empreinte carbone et mieux contrôler la traçabilité. Le stockage en extérieur nécessite un empilement soigné (bûches sur lattes, bâchage) pour éviter la dégradation et les attaques d'insectes. En atelier, on réserve un espace sec, ventilé et hors gel pour les bois destinés aux meubles fins.

    Quelles transformations en atelier d'ébénisterie ?

    Quand une planche arrive en atelier, l'artisan commence par l'examiner : repérer les nœuds, la fibration, le fil, les éventuelles déformations. L'ébéniste ajuste son projet en fonction des caractéristiques du bois. Mes rencontres m'ont montré qu'il n'y a pas une seule méthode : certains travaillent au banc et à la main, d'autres utilisent des outils électriques modernes (Festool est souvent cité pour ses outils portatifs de précision) ou des machines traditionnelles. J'apprécie particulièrement les ateliers qui savent conjuguer outillage moderne et finitions artisanales.

    Les étapes typiques en ébénisterie :

  • Découpe et corroyage (rabotage, dégauchissage) pour obtenir des pièces d'épaisseur et de planéité correctes.
  • Assemblages (tenons-mortaises, queues d'aronde, lamelles, assemblages collés) selon l'usage et l'esthétique voulue.
  • Séchage complémentaire en cas de besoin pour stabiliser les pièces assemblées.
  • Finitions : ponçage, préparation, application d'huiles (huile de lin, CPL), vernis, cire ou laques selon les souhaits du client et la tradition locale.
  • Quels produits de finition sont réellement adaptés au mobilier local ?

    Je privilégie les produits qui respectent la matière et l'environnement. Beaucoup d'artisans locaux utilisent des huiles naturelles (huile de lin, huile-cire), des cires d'abeille, ou des vernis peu solvantés. Certaines entreprises françaises proposent des gammes écologiques intéressantes : Biosource, Liberon ou encore Osmo pour des huiles dures. L'important est de choisir une finition qui laisse respirer le bois et qui soit compatible avec l'usage du meuble.

    Quelles difficultés rencontrent la filière locale ?

    Plusieurs obstacles reviennent dans mes discussions : concurrence des importations de bois exotiques, coût élevé du sciage à la pièce, manque de main-d'œuvre qualifiée, et parfois une méconnaissance des consommateurs sur la valeur du mobilier local. Les sécheresses récentes et les attaques d'insectes (bostryche, processionnaire…) ont aussi fragilisé certains peuplements et complexifié la gestion forestière.

    Comment soutenons-nous la filière locale ?

    Consommer local et durable reste la clé. En commandant des meubles sur mesure à des ébénistes bourguignons, en privilégiant des essences locales (chêne, hêtre), en demandant des bois certifiés et en s'informant sur la provenance, nous soutenons l'économie circulaire. J'aime aussi encourager les initiatives collectives : coopératives de scieries, chantiers de formation en menuiserie, ou projets de valorisation du bois mort en design contemporain.

    Tableau — Essences locales et usages courants

    Essence Caractéristiques Usages courants
    Chêne Dur, résistant, beau veinage Mobilier, charpente, parquets
    Hêtre Dur, homogène, se teint bien Meubles, outillage, meubles rustiques
    Épicéa Léger, droit, facile à travailler Charpente, menuiserie, instruments
    Pin sylvestre Souple, résineux Menuiserie, lambris, restauration

    Quelques rencontres marquantes

    Je me souviens d'un ébéniste à Avallon qui m'a montré une table de repas en chêne local : il avait choisi des planches sciées dans une grume issue d'une coupe de rénovation d'une haie bocagère. Pour lui, chaque meuble raconte l'histoire du paysage. J'ai aussi côtoyé une scierie associative près de Dijon qui garde le savoir-faire du sciage à la main et propose des formations pour jeunes menuisiers. Ces initiatives prouvent que la filière peut être synonyme d'innovation sociale et patrimoniale.

    Si, comme moi, vous aimez savoir d'où viennent les choses, je vous invite à visiter une scierie, discuter avec un forestier, ou confier votre prochain meuble à un ébéniste local. La filière du bois en Bourgogne est vivante, complexe et pleine de ressources — elle mérite qu'on la regarde de près, et qu'on la soutienne.


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